«L'action de monter un lit IKEA doit s'apparenter à une forme de yoga suédois...»
La pensée m'est venue dans une position d'étirement inconvenue, les pieds bien crampés dans un espace restreint, coincés entre plusieurs planches de bois plaqué acajou et un tas de vis roulant dans leur sac à moitié arraché par la rage! C'était du moins par quelques soupirs s'évaporant de nos bouches respectives que notre désespoir commun s'exprimait, un de ces sympathiques matins brumeux où il n'y avait rien de mieux à faire que de monter un meuble IKEA. Cette jolie invention basée sur le principe que l'«on peut tout faire soi-même n'est-ce-pas?», du moins, c'était mon souhait, n'aurait jamais pu susciter en moi autant de poésie new wave si je n'avais pas eu moi-même la chance de faire cette expérience transcendante. Nous avions bien pris la situation avec diplomatie et une bonne dose de zénitude, car la tâche demanda patience. Donc, le nez de mes fesses en l'air comme un bourgeois parisisen et les jambes raidies par l'incompréhension du Monde, je m'évertuai à devenir une pro du bricolage, première étape étant de foutre cette putain de contondance dans le trou montré par une grosse flèche sur le plan tout en belles images. Tout ça, avec flegme.
C'est ainsi qu'en tentant d'atteindre l'incommensurable summum, j'ai compris l'ultime Vérité, j'ai vue l'aura IKEA. À ce moment-là, j'ai compris que, dans ce monde comme dans les autres, il y avait quelqu'un ou quelqu'une, quelques-uns ou quelques-unes qui jouai[en]t aux blocs LEGO avec la vie, et qui devai[en]t bien se divertir devant un tel exercice.