lundi 23 novembre 2009

Bienvenue volupté!

Une nuit de farniente dans cette maison qui craque
Puis dans les volutes des vapeurs caféinées,
Et les exclamations obtempérées
de la chanteuse d'opéra
Je m'éveille, silencieusement,
Devant la belle vitrée
Qui d'elle filtre délicatement
Du haut de ses nuages
Une lumière d'ambre
Sur mes paupières closes un rayon
Qui d'un chaud murmure
Fait glisser en moi un frisson
Au gré des mouvements
Au-delà des arbres ondulants

mardi 17 novembre 2009

L'étaurevoir...

Un certain jour de novembre...
Comment l'euphorie du départ éclata en pièces? Cruellement broyée par la séparation, un ligament qui se brisai par le démarrage du train, elle l'embrassa du regard pour une dernière fois, cet homme à demi caché derrière les autres aux gestes d'aurevoir...Du départ à l'arrivée elle pleura doucement, les larmes perlant au rythme de la musique triste fusant dans ses oreilles...Voyant bien que sa vie parfois l'était aussi, une musique violemment triste, à la Muse. La situation lui échappait, mais depuis elle avait les ventricules dans un étau de plomb, pesant en elle d'un sombre pressentiment. Trop tard. Son coeur retors grinçait en crescendo plus les kilomètres s'accumulaient entre lui et elle, plus elle réalisait...Trop tard.
Pourtant elle avait toujours cru...Il lui a bien fallu trouver un tourment en lui pour découvrir la valeur qu'il avait pour elle. Un tourment puissant et lourd comme un roulement de nimbus dans un ciel incertain. La distance. Inconstante distance, mais maintenant bien établie. Insoutenable. Puis la douleur a jailli des adieux trop rapides, d'un baiser invisible et muet, celui qu'il n'a pas déposé sur ses lèvres et elle non plus. Ça fait mal. Comme s'ils s'étaient aimés depuis longtemps. Comme s'ils savaient qu'ils s'aimaient depuis longtemps. Et elle pleure déjà pour la prochaine fois qu'il tombera amoureux, dans un vertige qui ne sera pas le sien, et elle sera seule, et sombrera...Et elle déteste ses mots, elle les maudit et les plus sombres elle les mord encore d'entre ses lèvres. Trop tard.

mercredi 11 novembre 2009

Réflexion sur l'exil linguistique

Tiré de Nord perdu (1999) de Nancy Huston

L’étranger, donc, imite. Il s’applique, s’améliore, apprend à maîtriser de mieux en mieux la langue d’adoption…Subsiste quand même, presque toujours, en dépit de ses efforts acharnés, un rien. Une petite trace d’accent. Un soupçon, c’est le cas de le dire. Ou alors…une mélodie, un phrasé atypiques…une erreur de genre, une imperceptible maladresse dans l’accord des verbes…Et cela suffit. Les Français guettent…ils sont tatillons, chatouilleux, terriblement sensibles à l’endroit de leur langue…c’est comme si le masque glissait…et vous voilà dénoncé! On entraperçoit le vrai vous que recouvrait le masque et l’on saute dessus : Non, mais…vous avez dit « une peignoire »? « un baignoire »? « la diapason »? « le guérison »? J’ai bien entendu, vous vous êtes trompé? Ah, c’est que vous êtes un ALIEN! Vous venez d’un autre pays et vous cherchez à nous le cacher, à vous travestir en Français, en francophone…Mais on est malins, on vous a deviné, vous n’êtes pas d’ici… «Vous êtes d’origine allemande? anglaise? suédoise? » Je le fais moi aussi, je l’avoue, dès que je détecte un accent dans la voix de quelqu’un, je le fais, tout en sachant qu’ils en sont sûrement las comme moi j’en suis lasse, qu’ils ont subi dix mille fois ce même interrogatoire débile, ennuyeux, blessant : « Vous êtes allemand? Non? Hongrois? Chilien? » Which country? comme on dit en Inde. Non seulement cela mais, dès que vous la leur fournissez, cette information se cristallisera dans leur esprit, se figera, deviendra votre trait le plus saillant, la qualité qui, entre toutes, vous définit et vous décrit. Vous serez la Russe, Néo-Zélandais, le Sénégalais, la Cambodgienne et ainsi de suite (un magazine respectable a récemment qualifié la cinéaste Agnieska Hollande de « Polonais de service » ; un autre a cru élégant de commencer une critique d’un de mes livres par la phrase : « Elle est morose, notre Canadienne »)…alors que, bien sûr, chez vous, votre nationalité était l’air même que vous respiriez, autant dire qu’elle n’était rien.
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N’avez vous pas déjà eu le sentiment de lire un passage d’un livre ou d’un texte relevant des pensées que vous n’aviez jamais eues de manière si articulée, mais qui exprimait précisément ce que vous ressentiez?
Bien que mon exil en Europe fut comme une peanut à côté de celui de Mme Huston, je me suis reconnue. Serait-ce une particularité bien clairement française que d’adopter cette approche envers les étrangers? Ou bien existerait-elle réellement dans toutes les sociétés occidentales, où l’immigration est fréquente?

mardi 10 novembre 2009

L'illumination 2.

L'effet était superbe. Devant de telles beautés, normal d'avoir le souffle coupé par ses cimes acérées. De ces sommets enneigés mon regard n'a pu se détacher que pour quelques instants, le temps de graver sur ma mémoire de papier cette grande fenêtre de la cabine, et le jour tombant face aux montagnes, ne laissant encore que trois ou quatre minutes d'émerveillement possible. Plus que trois ou quatre instants avant que ne s'éteigne le Tyrol, et mes yeux parcouraient frénétiquement la vitre à la recherche d'encore plus de spectaculaire, me gavant toujours plus de ces paysages de démesures.

Et sur les rails dans la vallée je pouvais d'une manette avancer ou reculer le film, accélérer ou ralentir la progression des images, car ce n'était plus moi qui parcourait en train l'Autriche et la moitié de la Suisse mais bien le panorama qui évoluait selon mon bon vouloir. Le temps a tout de même su me rattraper, même en TGV. La noirceur engouffra tout d'un coup de vent, mais les massifs étaient d'autant plus imposants, comme une présence invisible mais terriblement forte...De laquelle on pouvait parfois apercevoir des amoncellements de milliers de petits phares, probablement installés là pour guider les trains sans rails...
Ça vous fait penser à quoi?

Dieu se cacherait-il dans les montagnes? Ce sont tout de même les conséquences de mouvements écorsaires puissants, de fracas tectoniques!

Je n'étais pas encore bien certaine du nom que les gens leur donnaient, mais je les avais déjà baptisées à ma manière. Car bien que n'importe quelle religion n'aurait jamais pu les avoir créées ou même déplacées, elles possèdent tout ce qui a de plus sacré, et elles le font émaner d'une aura de neige.

Je n'aurais jamais cru possible qu'autant de pureté brute puisse être concentrée en un même corps.

Mesdames et Messieurs, laissez-moi vous introduire...Leurs Majestés les Alpes!