Il y a quelques jours de cela, j'ai eu une conversation (très courte, mais j'appelle cela une conversation pour m'encourager un peu, vous savez...) avec une de mes collègues villageoises, une qui m'a parue particulièrement ignoble et irrespectueuse juste après quelques jours. Je la détestais déjà un peu, avec sa voix rauque et son rire de sorcière qu'elle m'avait déjà humiliée devant le reste du groupe en me parlant comme si elle piaillait avec toute personne ordinaire qui vient de ce bas-monde (le monde se limitant pour elle au Baden-Württemberg, et encore peut-être seulement la région d'Heilbronn). Comme je ne savais que répondre et je me mis à chercher un éclair de génie dans l'assemblée, mais celle-ci éclata bien entendu de rire, car qui n'a pas le sens de la répartie dans ces petits villages qui ne connaissent rien d'autre que le vin et les potins, hein? Maintenant que je vous ai raconté pourquoi je la détestais, voilà que je vous raconte comment je l'ai un peu moins détestée. Elle m’a demandé (en allemand moins shwabish, je voyais qu’elle faisait un effort) en riant si je trouvais les weinlesen bien loin de la littérature…Eh bien comme je lui ai répondue dans mon allemand kaputt, le fait d’être tous les jours en plein air et loin de la ville possède une haute teneur en poésie…Et elle acquiesca. Avait-elle vraiment compris? Je ne le saurai problablement jamais.
Avec les raisins Trollinger, mes préférés, de grosses grappes pulpeuses qui, en quelques poignées gorgées, remplissent nos « Eumâ » (quelque chose de l’argot qui veut dire gros bac) en quelques instants. Et je vois ces vieux hommes qui travaillent dans les vignobles depuis toujours, de génération en génération, qui dégagent les grappes de leurs plants avec délicatesse mais fermeté, puis qui laissent tomber le fruit rebondi dans leur main ridée par la récurrence du travail, souplement et simplement ouverte, dans une attente perpétuellement répétée…J’en suis certaine, ils caressent les raisins beaucoup mieux que leur femmes. Je dis ça sans aucun mépris, quoique je plaigne plusieurs femmes de ce dit bas-monde. Tout est dans la beauté du geste, mais c’est encore une chance qu’ils ne réalisent pas leur propre sensualité, car ils la confondraient avec un manque de virilité…
C'est aussi son éphémérité qui fait cette beauté profonde et dangereuse...
C'est aussi son éphémérité qui fait cette beauté profonde et dangereuse...
... Et si c'était avec ces mains-là qu'ils saoûlaient leurs femmes...
RépondreEffaceroxy